Jean Bughin (c) Photo Mélanie Lahaye
Il me semble évident que pas mal des points d’intérêt de la vie adulte naissent de souvenirs d’enfance ou de jeunesse.
A l’école primaire, l’instituteur nous "condamnait" au devoir de la rédaction hebdomadaire. Il en choisissait l’une d’elles que nous corrigions ensemble en classe. C’était alors la chasse ouverte aux répétitions, aux longueurs inutiles, aux emplois maladroits des verbes "faire", "être", "avoir", … à rectifier par plus adéquat.
Plus tard, lors de mes études de médecine vétérinaire, si on nous a formés à la dissection des cadavres en anatomie, on nous a aussi éduqués à la dissection des mots. En sciences, toute terminologie se doit d’être précise. Une arthrite n’est pas une arthrose, tant au niveau étiologique qu’au plan du traitement. Dans les études de la santé, on entre en contact avec des milliers de mots fabriqués au moyen d’un certain nombre de briques faciles à reconnaître et dont le nombre est ici limité. La capacité de les décomposer pour en déduire le sens est fondamentale.
Telles sont probablement les racines de mon amour pour la langue maternelle et de mon attention pour les mots qui la composent. La suite et ce qu’il en reste n’est plus que gratuité et curiosité. Mais n’est-ce point la curiosité qui a conduit Homo sapiens à son degré d’évolution ?
A ce niveau, chacun possède un appétit variable, mais fréquemment rencontré. Que de fois, l’un ou l’autre ne s’interroge sur le sens de son nom de famille ou de sa localité ? Et que dire de son prénom ? Celui que nous ont donné nos parents incarne-t-il nos rêves ? Ils ont, au départ, des significations bien souvent oubliées. Que dire d’un aîné prénommé "Quentin" qui veut dire "cinquième" ou "Octave" "huitième" ? Que pense la blonde "Mélanie" impliquant la synonymie de "brune" ? Au début de ce 21e siècle, treize cent Belges décident chaque année de changer de nom ou de prénom. Les raisons les plus souvent évoquées relèvent du ridicule associé à leur patronyme, de l’opprobre qui l’entoure, ou encore "d’européaniser" un nom à consonance étrangère. Mitterand et Giscard d’Estaing auraient-ils été présidents en s’appelant Dupont. Pourquoi tant de stars prennent-elles un pseudonyme ?
Sur le plan des noms de lieux et plus spécifiquement local, la plupart d’entre nous connaissent sans doute aujourd’hui la signification de "Wellin", depuis la légende de Wandalino. Mais qui sait le sens de "Brochamps", "Fond des Vaux", "Margouyet", "Marlière", "Ronchy", "Triot Masbor", "Houchettes", "Hayettes", "Pachis", "Tiennes", "Colébie", … ?
Georges Lebouc publia ainsi en 2011 un ouvrage intitulé "2500 noms propres devenus communs" parmi lesquels on recense "mansarde", "guillotine", "mousseline", "angora", "derby", etc…
Les noms communs ne sont pas moins sujets de découvertes étonnantes. Notre cité désormais carnavalesque peut nous en apprendre beaucoup sur le sens de ce mot "carnaval" et d’une partie de l’histoire moyenâgeuse. Les curiosités étymologiques peuvent mener à des surprises déconcertantes. Qui connaît que le vocable "testicule" est paradoxalement lié au chiffre "trois", mais aussi à "testament" et "témoin" ? Comment la "truie" peut-elle être associée au "cheval de Troie" et à la "porcelaine" ? Et que dire du cheminement sémantique du mot "cocktail" ? Comment justifier l’expression "Sauter du coq à l’âne" alors que la parenté des deux espèces est plus qu’insoluble ? Ce ne sont ici, bien sûr, que quelques exemples.
Percer le secret étymologique satisfait la curiosité, mais donne encore aux mots un surcroit de sens et une énergie nouvelle. Le nom grec "etumologia" désignait bien l’opération consistant à chercher le sens primitif d’un mot, mais signifiait littéralement "parole vraie". L’étymologie reste donc un moyen d’accéder à la vérité.
Septembre 2020.
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